Valentine ZUBER,
Présidente du Conseil scientifique
des Entretiens d’Auxerre
Edito
Chaque année, les Entretiens d’Auxerre visent à explorer un thème de société particulier à travers une approche interdisciplinaire. Cette fois-ci, nous avons choisi de traiter de l’autorité et de ses transformations récentes. La question de l’autorité est centrale dans le fonctionnement de toutes les sociétés humaines. Elle s’incarne d’abord dans ce qui relève du domaine politique, à travers le choix qui est fait d’une gouvernance particulière. A celle-ci est accordée l’autorité légitime permettant le fonctionnement pacifique d’une société qui s’en est remis à elle pour être gouvernée.
La relation d’autorité se caractérise, par rapport à d’autres relations de pouvoir, au fait qu’elle est fondée sur des statuts asymétriques. Les actions des détenteurs de l’autorité y sont conditionnées par leur position de supériorité, celle-ci ne leur étant assurée que par le bon vouloir de ceux qui, dans une société démocratique, acceptent de s’y soumettre. Or cette subordination peut être régulièrement remise en question voire contestée, tant dans les familles, que dans la rue, ou au sommet même du pouvoir.
Aujourd’hui, on parle volontiers de « la fin de l’autorité » et de la nécessité qu’il y aurait de la restaurer. L’autorité des personnalités publiques serait maintenant largement bafouée, que ce soit celle des parents ou des professeurs, défiée par une indiscipline juvénile caractérisée. Les magistères scientifique ou religieux seraient désormais détrônés de leur monopole revendiqué d’une vérité qu’ils pensaient jusque-là détenir… Ces réflexions montrent surtout la désorientation qui nous guette au sein de nos sociétés hyperconnectées. Face à la multiplication des propositions de sens et des alternatives politiques, sociales ou culturelles proposées, se pose la question lancinante et jamais élucidée de savoir à quelle autorité on doit désormais se vouer.
Car, de quelle autorité parle-t-on ? D’un point de vue politique, les sociétés et les organisations sociales peuvent-elles fonctionner sans un minimum d’autorité ? Quels rapports peut-on déceler entre l’ordre et l’autorité ? L’autorité souhaitable serait-elle une valeur en soi, ou bien un simple moyen d’action ? Ne faudrait-il pas d’abord distinguer entre ce qui relève de l’autorité et l’autoritarisme ? Et alors, comment penser l’autorité dans un contexte démocratique ? Du point de vue social, le rapport à l’autorité est-il si différent qu’on le dit selon les générations ? La demande insistante de toujours plus de
liberté individuelle contrarie-t-elle celle de l’autorité dans la régulation des conflits ? Enfin, peut-on concevoir une autorité qui ne soit pas verticale ? Telles sont quelques questions qui se présentent d’abord à nous et qui peuvent servir de point de départ à notre réflexion.
Les Entretiens d’Auxerre se proposent, comme à chaque fois, d’être un lieu d’apprentissage intellectuel et de débats. Cette nouvelle édition ne manquera donc pas d’en susciter plusieurs, tant le questionnement sur l’autorité est actuellement un point crucial dans l’élaboration désormais plurielle de notre conception du vivre ensemble et d’une citoyenneté véritablement partagée.